La corde et le fouet

Irving Le Roy et la princesse Martha faisaient du tourisme. Il leur arrivait fréquemment de se délasser ainsi des palaces, paquebots de luxe, et autres lieux éclectiques.Présentement, à bord de l’Hudson blanche, ils venaient de Mexico. Après avoir traversé le désert mexicain jusqu’à Monterrey, musardé dans la lagune du Rio Grande – le fleuve « large d’un mille et profond d’un pied » –, admiré les immenses troupeaux des plaines texanes du sud, écouté les romances mexicano-allemandes à Corpus-Christi, admiré les prouesses aériennes des pilotes de Randolph Field, goûté les soirées tièdes et embaumées de Galveston la cité fleurie, ils avaient contourné tout le golfe et arrivaient en Alabama.Sans transition, après avoir franchi la limite du Mississippi et de l’Alabama, peu après Pascagoula, Irving Le Roy et la princesse eurent l’impression très nette qu’ils venaient d’entrer dans une région maléficiée.Pour faire le plein, Irving stoppa devant une station-service qui alignait ses douze pompes à essence au bord de la route, tout au long d’une déviation cimentée.Le pompiste – un nègre vêtu d’un uniforme clair et casquetté comme un officier aviateur – s’approcha poliment de l’Hudson blanche.— Que se passe-t-il, par ici ? s’enquit la princesse. Un deuil national, ou quoi ?Il fut manifeste que l’employé n’osait pas regarder son interlocutrice.— Oui, oui, m’ame ! Grand deuil par ici… Combien de gazoline ?